Eaux et forêts – Cultiver l’eau : quand l’agroforesterie contribue à équilibrer l’hydratation sur terre et sous terre


Dans la foulée de notre article sur l’articulation entre le cycle de l’eau et les forêts, assorti d’un entretien avec l’hydroclimatologue Florence Habets, il nous a semblé pertinent de faire un point sur le cas spécifique de l’agroforesterie. Cet ensemble de pratiques qui associent arbres, cultures agricoles et/ou animaux d’élevage est l’une des pistes pour mettre en œuvre une agriculture résiliente tout en répondant aux défis environnementaux majeurs de notre temps. Comme la sylviculture douce et autres activités compatibles avec la préservation de la biodiversité, elle aura sa place dans le territoire écoforestier que nous appelons de nos vœux. Ses atouts sont nombreux !

Une vallée couverture de champs est entrecoupées de haies bocagères continues, découpant le paysage de trames arborées
Paysage bocager dans l’Aude – 📷 Emmanuel Torquebiau

Renforcer la vie du sol, améliorer le stockage de l’eau

Les racines des arbres, par leur capacité à aller en profondeur, structurent puissamment les sols, les décompactent, les stabilisent. Ils sont moins sujets à l’érosion. Par ailleurs, l’agroforesterie augmente le taux de matière organique : cela stimule leur fertilité, mais aussi, de par la présence d’éléments hydrophiles tels que les feuilles tombées à terre, favorise la rétention de l’eau. Les systèmes de paillage, auxquels les agroforestiers recourent souvent, y contribuent aussi.

Quand un sol est en bonne santé, l’eau y circule. Dans un sens, les racines font remonter l’humidité des profondeurs, par un phénomène « d’ascenseur hydraulique ». Dans l’autre, elles ouvrent la voie vers le bas, permettant l’infiltration de la pluie jusqu’aux nappes phréatiques, limitant le ruissellement en surface en cas de grosses précipitations, constituant ainsi des réserves, et prévenant les inondations.

Lorsqu’un paysage agroforestier est bien pensé, il n’y a pas de compétition pour l’accès à l’eau : les racines des arbres sont capables d’aller puiser la ressource sous l’étage des cultures, dont le système racinaire reste bien plus en surface. Par contre, elles font remonter les sels minéraux, qui leur profitent.

Protéger cultures et animaux des aléas climatiques


L’évapotranspiration des grands végétaux que sont les arbres est très importante. Elle joue un rôle majeur dans les écosystèmes des zones sèches : en l’absence de précipitations régulières, elle permet de maintenir un certain niveau d’humidité. Ce phénomène contribue aussi à limiter les dégâts en climat tempéré, lorsque surviennent canicules et sécheresses.


Les arbres offrent une protection mécanique contre le vent, facteur d’assèchement. On ne vantera jamais assez les mérites des haies ! Les parcelles arborées créent des formes de micro-climats, avec leur ombre généreuse, protègent les cultures et les animaux des grands écarts thermiques, source de stress, des tempêtes et autres débordements climatiques, voués à se multiplier. Dans le bocage, il fait moins chaud en été et moins froid en hiver !

L’un des principes les plus importants, en agroforesterie, est de miser sur la diversité des variétés cultivées, étager les plantations, avec des systèmes racinaires de profondeurs variées. Ne pas « mettre tous ses œufs dans le même panier » permet de mieux résister aux aléas.

Bien-sûr, faut-il le préciser, les arbres stockent du carbone, et contribuent ainsi à atténuer le changement climatique. Par ailleurs, les associations agroforestières émettent moins de gaz à effet de serre et sont plus résilientes face aux aléas climatiques que l’agriculture conventionnelle.

Un chemin creux de terre s'étire sous l'ombre des arbres, en bordure d'un champs
Chemin creux en bordure de champs dans l’Aine, un exemple de paysage typiquement agroforestier – 📷 Emmanuel Torquebiau

Encourager la biodiversité

En captant et en filtrant l’eau, les racines des arbres limitent les pollutions. La matière organique du sol, avec ses microbes, bactéries et champignons, contribue à la dégradation de certains contaminants et donc à la qualité des réserves aquatiques et des flux qui circulent dans les rivières. Cela atténue un peu le terrible impact sur la biodiversité des produits phytosanitaires qui imprègnent les écosystèmes, du fait de l’agriculture intensive.

L’agroforesterie, surtout conjuguée à l’agriculture biologique, participe aux continuités écologiques, en offrant des habitats sains, en servant éventuellement d’abri contre les prédations. Elle peut aussi favoriser la transition entre la vie aquatique et terrestre de certaines espèces comme les anoures (grenouilles, crapauds…) et autres animaux appréciant les milieux humides (lézards, salamandres, libellules, couleuvres, musaraignes aquatiques…).

On l’aura compris, notamment en participant au bon équilibre du cycle de l’eau, l’agroforesterie est un système agricole qui fonctionne sur du long terme. Ce sont des pratiques d’avenir qui donnent d’excellents résultats, y compris en terme de production, si la répartition arbres/cultures est bien ajustée, en minimisant la compétition pour la lumière, les nutriments et l’eau, et si le choix est fait d’essences locales adaptées au terrain.

Gaëlle Cloarec, 27 janvier 2025


Pour aller plus loin :

Le livre de l’agroforesterie, Emmanuel Torquebiau, publié chez Actes Sud, 2022 : découvrez notre recension de l’ouvrage :

https://www.foretprimaire-francishalle.org/s-informer/cultiver-lassociation-le-livre-de-lagroforesterie

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