Notes de lecture
Voici le récit d’une belle aventure, raconté par celle qui l’a vécue entre 1997 et 1999. Pendant plus de deux ans, dans la forêt de Headwaters en Californie, Julia Hill a habité la cime d’un séquoia millénaire baptisé « Luna ». Une expérience profondément marquante dont elle témoigne dans son livre.
« Luna » appartenait à une propriété forestière exploitée par la Pacific Lumber dont les pratiques destructrices avaient déjà causé de graves glissements de terrains en contrebas, ensevelissant de nombreuses habitations sous la boue. Pour cette jeune femme de 23 ans, il s’agissait au départ d’une occupation de quelques jours. Mais les menaces s’aggravant pour le séquoia, Julia décida de rester jusqu’à l’obtention d’une protection officielle pour « Luna », et entama ainsi, débutante en questions forestières et ignorante des dangers qu’elle allait affronter, ce « tree-sitting » qui allait faire parler de lui.
Perchée à 55 mètres de haut dans « Luna », Julia est secouée par les tempêtes, trempée par les pluies et gelée par les vents d’hiver. Ces conditions extrêmes sont accentuées par le harcèlement continuel de la Pacific Lumber : hélicoptères en survol rapproché, privation de sommeil, blocage de son ravitaillement, discours menaçants, à quoi s’ajoutent les intoxications dues à l’exploitation de la forêt à coup de napalm.
Amenée à l’extrême limite de sa résistance physique et psychologique, Julia subit alors une transformation intérieure en même temps qu’elle apprend à se défendre et à défendre sa cause. Le séjour dans l’arbre est pour elle une période de formation intensive, qui est d’ailleurs reconnue par un doctorat en sciences humaines à titre honoraire attribué par le Collège de Californie.
Mais l’enseignement le plus important est celui obtenu du simple contact avec « Luna ». De l’observation fine de l’arbre aux méditations sur le vivant et l’humanité qui le saccage, on comprend que cette action de militantisme est aussi un parcours initiatique. Julia apprend de « Luna » ce qu’est une forêt vivante et ancienne, et ce qu’est un arbre, être immobile mais non inactif. Elle parcourt la canopée pieds nus pour mieux sentir la portance des branches, enfonce ses doigts dans les crevasses de l’écorce épaisse, se laisse approcher par une faune curieuse, et, la peau mouchetée de résine odorante, ne fait qu’une avec la nature qui l’entoure. Elle écoute, ressent, comprend le langage silencieux de l’arbre, et, comme un enfant auprès d’un grand-parent, en tire des leçons de vie : au plus fort d’une tempête, elle apprend à plier et non se raidir dans l’adversité ; en observant la végétation nichée dans une cicatrice de l’arbre, elle comprend que les blessures peuvent être des creusets de renouveau.
Ce récit inspirant, qui se termine bien, donne de l’espoir à tous ceux qui s’engagent pour la protection de la nature. Comme l’affirme Julia Hill : « Oui, une seule personne peut faire la différence, et cette personne, c’est chacun de nous. »
Felice Olivesi
Février 2021
Julia Hill, De sève et de sang, Editions Libre, 2020
Titre original : The Legacy of Luna