Monsieur le Secrétaire Général de l’Organisation des nations Unies,
Etant botaniste, je conduis depuis longtemps des recherches sur les arbres et les forêts des Tropiques. Le 16 septembre 2019 je m’étais adressé à vous à, l’occasion du Sommet des chefs d’Etat « Action Climat » pour vous demander la mise en place d’un véritable Plan Mondial pour les arbres et les forêts, où ces dernières seraient considérées comme « bien commun de l’humanité ».
Lors de ce sommet l’une des sessions était intitulée « L’agriculture et la gestion durable des forêts ». J’attire à nouveau aujourd’hui votre attention sur le fait que lier les forêts et l’agriculture n’ouvre pas d’autre avenir pour les forêts que celui d’être « gérées durablement » c’est-à-dire exploitées, menacées dans leur structure, appauvries dans leur diversité biologique, avec le risque d’être finalement détruites comme on le voit actuellement en Amazonie brésilienne.
La situation catastrophique des forêts – feux en Amazonie et en Australie, exploitations excessives à Sumatra, dans le Bassin du Congo et en Europe centrale, remplacement par des cultures industrielles en Malaisie, destruction incontrôlée en Nouvelle Guinée – nous impose de changer totalement le regard que nous portons sur les forêts naturelles et sur les bienfaits qu’elles nous apportent.
A l’issue du sommet des chefs d’Etat de septembre dernier vous avez déclaré : « il nous reste cependant beaucoup à faire. Nous devons élaborer des projets plus concrets. » Les deux pièces jointes portent justement sur un projet concret de forêt primaire en Europe de l’Ouest.
C’est justement le sens de ma nouvelle démarche auprès de vous alors que la pandémie mondiale pose avec une urgence encore accrue la nécessité absolue de solutions à la hauteur des problèmes qui nous sont posés.
J’ai trois propositions à vous faire en vous remerciant d’avance de l’attention que vous voudrez bien m’accorder. La première est de ne plus confondre, malgré la FAO, les plantations d’arbres avec des forêts naturelles car ces deux réalités sont profondément différentes et même contradictoires, notamment en ce qui concerne les dérèglements climatiques et la biodiversité.
Ma deuxième proposition est que la FAO conserve toute son autorité sur les plantations d’arbres, qui relèvent de l’agriculture, mais qu’elle abandonne la responsabilité des forêts. Bien sûr nous aurons toujours besoin des plantations pour la production – bois, papier, xylochimie, etc. – mais les forêts naturelles doivent dépendre d’une approche distincte. Dans le cadre de l’ONU, une Agence Mondiale pour les Forêts serait chargée du contrôle des forêts naturelles.
Enfin, troisième proposition, l’ONU pourrait lancer un « Forest New Deal » pour les arbres et les forêts, dans lequel ces dernières seraient considérées comme « bien commun de l’humanité » puisqu’elles sont la meilleure réponse aux exigences de la régulation climatique, du stockage à long terme du carbone, du maintien de la fertilité des sols, du respect de la diversité biologique, et de la protection des cadres de vie de l’espèce humaine.
Dans l’espoir que vous voudrez bien considérer avec compréhension ces trois propositions, je vous prie de croire, Monsieur le secrétaire Général de l’Organisation des Nations Unies, à l’assurance de mon profond respect.
Professeur Dr Francis HALLÉ
7 juin 2020