Un arbre, ce n’est pas que du bois. Une forêt, ce n’est pas que des arbres.
Ils sont une part essentielle de notre avenir. Nous proposons de partager et de construire ensemble à leur sujet une vision nouvelle, une pratique responsable, à la hauteur des bienfaits qu’ils nous apportent et de leur place sur la terre.
Sous les pressions conjuguées de la recherche effrénée de purs produits financiers, du court-termisme dominant, d’une vision essentiellement gestionnaire voire prédatrice de la nature, nous sommes en train de détruire une partie essentielle du monde vivant, née il y a 380 millions d’années, les forêts et particulièrement les plus anciennes.
Un consumérisme étroit et sans cesse accéléré, un affaiblissement constant de la recherche et de l’enseignement des sciences naturelles nous font perdre de vue leur place fondatrice, leur beauté, le rôle fondamental qu’elles ont joué et continuent de jouer pour notre humanité qui en est issue. Nous en avons des approches réductrices, partielles. Les savoirs sur la forêt sont négligés sinon méprisés.
Les efforts positifs déployés ici ou là restent bien insuffisants.
Les questions posées sont multiples et engagent les réflexions d’une grande pluralité d’acteurs. Parmi beaucoup d’autres :
- Quels rapports sont les nôtres aujourd’hui avec les arbres et les forêts ? Que voudrions-nous qu’ils soient demain pour nous-mêmes, nos sociétés ?
- Quelle place pour les arbres et les forêts dans la lutte contre l’érosion de la biodiversité, contre les effets du changement climatique ?
- Ne devrions-nous pas établir une limite nette, jusque dans les termes, entre « forêts » et « plantations d’arbres » ? Comment ? Quelles articulations ?
- Est-il nécessaire que toutes les forêts soient exploitées pour leurs bois et ouvertes à la chasse ? Comment s’organiser ensemble ?
- Nos besoins en bois et en papier ne peuvent-ils être intégralement couverts par les plantations d’arbres, afin que les forêts puissent être laissées en « libre évolution » ?
- Nos forêts doivent elles dépendre seulement du ministère de l’Agriculture ? Devraient-elles s’articuler avec le Ministère de la Transition Ecologique et des Solidarités ?
- Les enseignements de foresterie accordent-ils une place suffisante – et suffisamment positive – à la libre évolution et à la forêt primaire ?
- etc.
Il est urgent de changer de regard, de méthode et de pratiques.
Changer de regard en ayant une approche globale, équilibrée, de ce que sont en eux-mêmes et pour notre humanité l’arbre et la forêt : composante du vivant se déployant librement, habitat nourricier d’un nombre considérable d’espèces, condition de la vie humaine, ressource appelant une utilisation raisonnée, lieux de parcours, d’agrément, de contemplation. C’est l’heure d’une approche systémique.
Changer de méthode en substituant à des planifications très réductrices conçues quasi exclusivement en termes de « valorisations », d’exploitations, d’équilibres financiers, une réflexion d’amont partagée, concertée, associant largement savoirs, expertises diverses, pratiques de terrain : scientifiques, forestiers, élus, institutions, organisations environnementalistes, acteurs de terrains les plus variés (naturalistes, agriculteurs, chasseurs, pêcheurs, acteurs du tourisme, etc.). C’est l’heure du dialogue et de l’intelligence collective.
Changer de pratiques en décloisonnant les compétences mobilisables autour des divers enjeux de l’arbre et de la forêt, en favorisant les coopérations, en articulant des politiques variées (de la libre évolution et d’une plus grande place donnée au vivant à l’arbre en ville, de l’agroforesterie à la valorisation raisonnée de la ressource arborée, de la protection de la faune et de la flore à la plantation soutenable, de l’enseignement des sciences de la nature à la recherche et à la création artistique sous toutes ses formes etc.). C’est l’heure de rapports plus harmonieux avec notre environnement et de politiques à la hauteur des enjeux de préservation de la biodiversité, de développement durable, de lutte contre le changement climatique.
C’est pourquoi nous demandons la convocation des Etats Généraux de l’arbre et de la forêt
Ils associeraient des représentants de tous les secteurs concernés, nourris des savoirs et des expériences les plus variés et fondant une grande politique de l’arbre et de la forêt.
Le conseil d’administration de l’association Francis Hallé pour La forêt primaire :
Francis Hallé, botaniste, président – Mark Alsterlind, artiste – peintre – Jérôme Bouvier, cinéaste – Gilbert Cochet, naturaliste, expert auprès du Muséum National d’Histoire naturelle et du Conseil de l’Europe – Jean-Baptiste Dumond, photographe de nature et journaliste – Eric Fabre, consultant – Séverine Gaspari, agrégée de Lettres Modernes, normalienne, professeure en CPGE – Béatrice Kremer-Cochet naturaliste, expert auprès du Conseil scientifique régional du patrimoine naturel – Vincent Lajarige, peintre, sculpteur, président de Forest Art Project – Christian Riboulet, expert forestier – Annik Schnitzler, professeur honoraire de l’université de Lorraine, chercheur associé de l’équipe Nomade « Histoire naturelle de l’Homme préhistorique » (UMR 7194 Museum National d’Histoire Naturelle de Paris) – Roger Tardy, ingénieur retraité – Emmanuel Torquebiau, chercheur émérite au Cirad à Montpellier, spécialisé en agroforesterie.
Photo principale : la brume enveloppe la forêt du Jura. Julien Arbez, photographe naturaliste.